La notion de 2 vitesses de la formation
L’idée d’un cerveau qui fonctionne à deux vitesses est une idée assez ancienne qui n’a pas attendu Daniel Kahneman pour exister. Le psychologue William James en 1890 dans « The principles of psychology », parle explicitement d’un « cerveau à deux vitesses » : d’un côté une pensée rapide et automatique composée des habitudes, des associations et des intuitions, et de l’autre une pensée volontaire et contrôlée qui est plus lente et qui nécessite un effort cognitif plus important. Pourquoi à l’époque, l’idée, a-t-elle eu un tel succès ? L’idée était assez séduisante de penser que l’évolution de l’espèce se serait faite d’une pensée instinctive, émotionnelle vers une pensée rationnelle et consciente. Aujourd’hui, avec le travail d’Antonio Damasio et des neurosciences de l’émotion, le principe de séparation et d’évolution est beaucoup moins évident, chacun à sa raison d’être et la supériorité de l’un est loin d’être démontré, il y a plus complémentarité.
La pédagogie du Système 1
Quelle conséquence sur la pédagogie ? Pour stimuler le système 1, il suffit de créer des stimuli suffisamment attractifs ou interrogatif pour éveiller la curiosité de l’apprenant. Ce système rapide et intuitif réagit mieux à des contenus courts et percutants, le snack content. Dans le déroulé pédagogique, il s’agit de faire le buzz, capter l’attention en exploitant des éléments de surprise, de rupture par rapport à l’ordinaire. La transgressivité est de plus en plus utilisé pour casser les codes, capter l’attention, favoriser la réactivité et l’engagement de l’apprenant. La « fenêtre d’Overton » illustre bien cette pédagogie : pour être entendu, il faut favoriser « L’ère du clash » (Christian Salmon, 2019) pour ouvrir le domaine des possibles pour des idées qui hors de ce cadre n’aurait pu être entendu. Il s’agit de trouver l’équilibre pédagogique entre la rupture pour capter l’attention, l’acquisition des connaissances et la progression vers l’objectif prédéfini. Autrement dit, éviter la saturation de l’attention pour garder son efficacité.
La pédagogie du Système 2
L’apprentissage conscient est au cœur de nos modèles de formation cartésien ou plus précisément rousseauiste avec « Emile ou de l’éducation » (1762). C’est la fiction de l’apprenant décideur de ses propres apprentissages. Dans les années 70, cela a pris la forme de la Théorie de l’apprentissage autodirigé, self-directed leaning qui est toujours dominante aujourd’hui. L’apprenant est autonome, il définit ses besoins, ses objectifs et ses moyens de les satisfaire. C’est un décideur en pleine conscience, la conscientisation. La pédagogie du Système 2 utilise des outils comme le journal réflexif, où l’apprenant note ses stratégies d’apprentissage et sa performance, ou encore, le feedback sur les retours d’expériences.
La pédagogie de l’apprentissage conscient est la quête de sens. La narration joue un rôle central. Construire un récit qui fasse résonnance avec la situation sociale du moment et qui structure l’expérience. Jean Baudrillard faisait cette distinction entre le réel qui ne parle pas et la réalité qui est l’interprétation sociale du réel. Dans des périodes de disruption, le récit doit être prospectif. Quels seront les futurs possibles ? Quels seront les défis à venir ? Mobiliser les apprenants pour les engager dans une belle histoire. Le philosophe Gaston Berger (Phénoménologie du temps et prospective, 1964) parle de pédagogie du futur, non pas prédire, mais façonner des avenirs plus éthiques quelle que soit la définition de l’éthique. L’apprentissage et une sublimation, au sens freudien, espérer un avenir meilleur pour stimuler l’engagement dans le processus de formation. Le système 2 est un processus de construire des histoires.